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Raimundo Nsang, Coalition de l’Etat démocratique en Guinée


Réparer les dégradations environnementales et sanitaires liées à l’exploitation pétrolière dans le golfe de Guinée

Raimundo Ela Nsang, secrétaire exécutif de la Coalition restauratrice de l’Etat démocratique en Guinée équatoriale (CORED)

Ancien ingénieur pétrolier dans le golfe de Guinée, Raimundo Ela Nsang est à 43 ans secrétaire général de la Coalition Restauratrice de l’Etat Démocratique (CORED) en Guinée équatoriale. Depuis Paris où il est réfugié politique, il expose les conséquences environnementales et sanitaires de l’exploitation pétrolière du bassin du Congo au delta du Niger, et dresse quelques pistes pour les réduire, voire les prévenir.

Le golfe de Guinée, région qui dispose des écosystèmes les plus variés d’Afrique, représente près de 70 % de la production du pétrole subsaharien. Elle est de ce fait extrêmement exposée aux dégradations environnementales et sanitaires.

Dégradations environnementales

Dans le golfe de Guinée, la production de pétrole est à la fois onshore, c'est-à-dire sur la terre ferme, et offshore, c'est-à-dire en eaux profondes maritimes. Les dégradations environnementales affectent donc les écosystèmes terrestres et marins.

Le golfe de Guinée est considéré comme le deuxième « poumon du monde » car il renferme, après les forêts amazoniennes, la plus grande zone mondiale de forêts humides qui contient une biodiversité indescriptible. La faune y compte aujourd’hui plus de 500 espèces de mammifères, 200 espèces de reptiles sur les 275 qui existent en Afrique, un millier d'oiseaux recensés dont 800 nicheurs, 1500 espèces de papillons… Quant à la flore particulièrement diverse en forêt équatoriale, elle y regorge d’essences aux vertus biologiques et thérapeutiques. Les dégâts causés par l’exploitation du pétrole y résultent notamment de la dévastation des forêts pour l’installation de l’industrie, l’exemple le plus remarquable étant la construction de l’oléoduc de 1070 kilomètres reliant Doba (Tchad) et les côtes camerounaises à Kribi. Exploration et production génèrent également des déversements de pétrole dans le milieu naturel, ce qui empêche le développement normal des espèces. Chaque année, le delta du Niger est ainsi pollué par au moins 2,3 milliards de mètres cubes de pétrole, issus de 300 déversements différents[1]. Certaines estimations indiquent même une mesure dix fois supérieure[2]. De plus, les torchères à gaz rejettent des substances nocives pour les plantes comme de l’oxyde d'azote, du monoxyde de carbone et du dioxyde de soufre.

La dégradation liée aux écosystèmes marins est aussi très importante dans cette région, puisque l’extraction du pétrole y est majoritairement offshore. Cette pollution peut avoir pour origine le déversement du pétrole par la fuite dans les puits, le dégazage et nettoyage des moteurs des pétroliers au large des côtes en violation de la législation internationale. En septembre 2008, la rupture d'un pipeline sous-marin de la société Perenco Gabon a entraîné une catastrophe environnementale dans la lagune du Fernan Vaz (province de l'Ogooué-Maritime). Le littoral du golfe de Guinée compte 4 282 km, de la frontière bénino-nigériane à frontière angolo-namibienne. Les plages y sont souillées, ce qui menace les habitats naturels tels que les mangroves et les herbiers marins, mais aussi les frayères : asphyxie des poissons, destruction des œufs... Les tortues marines sont en danger : cinq des huit espèces connues de tortues vivant dans les océans sont présentes dans le golfe de Guinée, dont quatre sont considérées comme menacées[3]. Dans ces sites, la nidification est rendue difficile du fait de l'érosion des plages, de la pollution marine, des marées noires…

Dégradations sanitaires

De manière directe, la production de pétrole est à l'origine de nombreuses maladies respiratoires et cutanées comme le cancer des poumons, la tuberculose, le cancer de la peau et d’autres affections touchant un grand nombre de personnes. La tuberculose par exemple, très présente dans le golfe de Guinée, est accentuée dans les zones pétrolières. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui calcule le taux d’incidence de la maladie (nombre estimatif de nouveaux cas pour 100 000 habitants), la tuberculose évolue selon l’activité pétrolière au Gabon et en Guinée équatoriale. Au Gabon, le taux d’incidence de la tuberculose passe de 230 en 1990 à 592 en 2005, ce qui coïncide avec l’augmentation de l’activité pétrolière entre ces deux dates. Puis il chute de 572 en 2006 à 423 en 2013, dans une période où la production commence à diminuer. Pour la Guinée équatoriale, l’incidence est stable dans la période pré-pétrolière : 86 en 1990, 85 en 1995. Mais depuis la mise en exploitation du plus grand champ pétrolier équato-guinéen en 1996, le taux d’incidence ne fait qu’augmenter : 87 en 1996, 100 en 2000, 110 en 2005, jusqu’à 144 en 2013. C’est vers le début des années 2000 que la Guinée équatoriale devient le troisième producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, devançant ainsi le Gabon.

L’exploitation pétrolière génère également une dégradation sanitaire indirecte, conséquence de la surpopulation de villes déjà très pauvres en infrastructures sanitaires. La dégradation des écosystèmes due aux activités de production pétrolière ne permet en effet plus aux villageois de continuer à vivre des activités liées à la nature comme l’agriculture, la pêche, la chasse ou l’utilisation des plantes médicinales. Et l’exode massif des villageois vers les villes est bien sûr lié à la concentration des activités économiques autour de l’industrie pétrolière…

Le taux d’incidence de la tuberculose évolue selon l’activité pétrolière au Gabon et en Guinée équatoriale

Comment réparer, comment prévenir ?

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